Il fait beau! Et puis non... Et puis encore, un peu, beaucoup, plus du tout. Je me sens un peu perdue, perturbée dans mon cycle des saisons. Pour mon cerveau formaté hémisphère nord, mai = printemps. Ça pourrait ressembler à un mois d'avril, sauf qu'on mange de la citrouille, des pommes, des chataîgnes, du coing...
Certains jours, le climat océanique prend le dessus et on se croirait presque en Bretagne, version Saint-Malo sous la pluie. D'autres, le vent nous arrive directement de l'Antarctique et souffle fort! Mais globalement il fait encore doux, et le soleil brille...presque tous les jours. La mue des eucalyptus et le soleil qui se couche tôt sont les principaux indices que l'hiver nous guette...
Nous ne sommes plus des touristes oisifs désormais, mais des travailleurs immigrés. Le travail étant décidément la meilleure façon de s'intégrer, nous commençons à nous faire chacun notre petit réseau (Martin tout particulièrement, très relations publiques).
Il a trouvé du travail - ou plutôt est tombé sur du travail - dès la deuxième semaine: il a sympathisé avec le patron de son auberge de jeunesse, qui lui a présenté un de ses potes qui cherchait un "handyman", un homme à tout faire. Cela fait donc un mois et demi qu'il travaille avec Len, spécialiste de meubles scandinaves vintage - ici, tout ce qui est vintage est très "in", et donc très lucratif...il y a des boutiques-brocantes de folie et des magasins de fripes dingues - pour l'aider à faire ses livraisons, déplacer et ranger sa marchandise, accueillir les clients, faire des travaux dans sa maison, faire la fête avec lui... Un bon deal, donc, et un boulot relax.
Quant à moi je travaille 3-4 jours par semaine en salle dans un restaurant français gastronomique, Embrasse à Carlton (le quartier italien). Le chef est un français qui à travaillé avec Michel Bras entre autres, et qui vit depuis 10 ans à Melbourne. Son approche de la cuisine me plaît beaucoup, vous pouvez aller jeter un coup d'oeil sur le site internet www.embrasserestaurant.com.au
Ils m'ont prise suite à une candidature spontanée pour intégrer la cuisine (of course!), mais recherchent quelqu'un de plus expérimenté. Je les ai aidé deux ou trois fois à faire de la mise en place, mais le reste du temps je suis serveuse. C'est une expérience intéressante de servir dans un contexte de fine-dining, où on doit vraiment être aux petits soins pour les gens et leur expliquer l'histoire derrière chaque plat.
J'avais un plan pour travailler en extra dans un bistro fusion dans le même quartier avec un chef américain très sympa et un vrai boulot de cuisinier, mais je n'ai fait que trois soirées là-bas. Ils me proposaient de travailler pour eux trois soirs par semaine également mais avec moins d'heures et pas de pourboire, donc je suis restée chez Embrasse (avec l'espoir que j'allais pouvoir mettre plus d'un doigt de pied en cuisine...) En vérité, ma situation actuelle est confortable et je m'entends très bien avec l'équipe, mais la pratique de la cuisine commence à me manquer...
Le restaurant se situe dans le quartier de Carlton, juste au nord du CBD. C'est là que se sont installés les milliers d'immigrés italiens qui ont débarqués à Melbourne dans les années 50 et 60. Malheureusement Little Italy a un peu vendu son âme au touriste, et le chapelet de restaurants italiens de la fameuse Lygon Street sont pour la plupart à éviter, même si des vestiges subsistent. Malgré ce petit bémol, c'est un quartier très agréable, plein de cafés, de bars et de "vrais" restaurants. Avec un passé plutôt bohème à son actif - l'université de Melbourne est en bordure du quartier - Carlton est un endroit maintenant très prisé et plutôt bobo, avec ses coiffeurs chics, ses libraires et antiquaires.
Angèle de son côté a eu un peu plus de mal à trouver du travail au départ - barrière de la langue oblige - mais elle a réussi à se faire un début de clientèle en massage à domicile et travaille depuis deux semaines dans un bar à soupes à Melbourne Central (gare/centre commercial/lieu de rencontre des étudiants de l'université voisine, RMIT Melbourne).
Julien fait des extras avec Len, et travaille en ce moment sur un site internet.
Sans vouloir me la jouer backpacker bisounours, je trouve le monde du travail ici plus ouvert - pour ne pas dire moins menaçant - qu'en France: il faut dire que l'Australie a à peine été touchée par la fameuse crise et a donc un marché de l'emploi plus dynamique. Au passage, je dois admettre que la vie est plus chère ici qu'en France et que notre situation de célibataires nomades ne nous donne pas des besoins financiers très élevés, mais globalement je trouve que les gens gagnent mieux leur vie. En plus, les industries hôtelière et du bâtiment sont très valorisées: Martin par exemple a travaillé une semaine avec Craig, ami de son patron Len, à gratter de la peinture et a gagné l'équivalent d'un mois de SMIC. On peut donc vivre tout à fait correctement avec un temps partiel!
Pendant mon temps libre - assez conséquent, donc - je ne me lasse pas d'arpenter la ville jusque dans ses moindres recoins, un café à la main. J'ai décidément un faible pour les centre-villes quadrillés et hauts perchés, parsemés de ruelles et d'arrière-cours victoriennes...
Melbourne est une ville d'immigrés, à la new-yorkaise, avec tout ce que ça entraîne: des cantines exotiques à tous les coins de rue, des marchés regorgeant de produits de toutes sortes et des delicatessens pleins de raretés internationales... un paradis pour les "food geeks" dans mon genre! Les restaurants plus haut de gamme tiennent aussi la route et ont un public nombreux et averti...que je me contente de servir pour le moment puisque c'est un peu hors de ma portée, en tous cas pour l'instant.
Une fois la géographie de base acquise, on peut commencer à s'amuser et à se perdre (c'est pas parceque c'est bien rangé qu'on ne peut pas se perdre, enfin je parle pour moi bien sûr), à tourner en rond pendant des heures à la recherche d'un plat de pâtes fumant, du meilleur latte/carrot cake du quartier, de ce café dans cette impasse où on vous sert le petit-déj anglais toute la journée, de ce boui-boui japonais près de la gare où les étudiants font la queue pour des dons (grands bols de riz garnis), ou encore de ce "curry joint" bon marché où chaque plat est escorté de deux naans géants...
Ne croyez pas que je sois obsédée par la nourriture (encore que...), mais c'est un réel plaisir d'avoir autant de possibilités à portée de main. Je ne dis pas que c'est toujours génial, mais on est récompensés de nos efforts quand on trouve des pépites. Les Melburnians aiment sortir et manger dehors, et ça se sent! Ils aiment sortir tout court d'ailleurs, et malgré des horaires de base très anglo-saxons, on peut toujours trouver quelque chose d'ouvert, à toute heure.